Par exemple, il peut accompagner une description dramatique de certains événements comme dans les caricatures de presse sur les guerres, les conflits et les drames de la vie quotidienne. Une deuxième difficulté réside dans le choix des termes qui servent à désigner l’acte humoristique. Un simple parcours des dictionnaires, de leurs définitions et des renvois qu’ils proposent montre qu’il est difficile de nous en remettre à leurs dénominations : comique, drôle, plaisant, amusant, ridicule ; plaisanterie, moquerie, ironie, dérision, raillerie, grotesque, etc., autant de termes qui s’enfilent dans une joyeuse sarabande dont on ne voit ni le début, ni la fin, ni une quelconque r hiérarchie. Partir de ces termes pour en faire des catégories a priori nous mettrait face à des obstacles insurmontables : difficulté de classement, flou des définitions, prolifération des dénominations, renvois synonymiques en boucle. On peut se moquer et tourner en ridicule par ironie, dérision, loufoquerie, etc. ; on peut ironiser par dérision, faire de la dérision de façon ironique, railler avec ironie, à moins que ce ne soit ironiser en raillant. Si, en plus, on combine ces termes avec des qualificatifs du genre mordant, ravageur, caustique, cinglant, acerbe, âpre-badin, anodin, léger, bénin, ou si l’on rajoute d’autres dénominations du genre boutade, vacherie, bouffonnerie, etc., on n’est guère éclairé. La troisième difficulté tient aux catégories rhétoriques, dont on aurait pu penser qu’elles nous sauvent de l’imprécision des dictionnaires. En fait, c’est surtout l’ironie qui, dans la tradition rhétorique, a fait l’objet d’une catégorisation, à partir de la définition (minimale) qu’en propose Aristote, lequel s’en tient à la décrire comme une antiphrase qui consiste à dire le contraire de ce que l’on pense. Dans cette filiation, on voit se confronter divers points de vue qui ne clarifient guère les choses. Dans le Dictionnaire de poétique et de rhétorique d’Henri Morier (1981), ironie et humour sont présentés comme des catégories distinctes. La première s’opposerait à la seconde en ce qu’elle joue plus particulièrement sur l’antiphrase, alors que l’humour jouerait sur des oppositions qui ne seraient pas antiphrastiques ; de plus, l’ironie enclencherait le rire, alors que l’humour n’enclencherait que le sourire. Pour d’autres, au contraire, humour et ironie sont confondus ou du moins enchâssés l’un dans l’autre. C’est le cas de Robert Escarpit (1987 : 115) qui met le paradoxe ironique au cœur même de tout processus humoristique « par la mise en contact soudaine du monde quotidien avec un monde délibérément réduit à l’absurde ». Ainsi l’ironie serait-elle destructrice, alors que l’humour serait ce qui la « corrige […] par un clin d’œil complice ». Robert Escarpit pose là un nouveau problème dans la mesure où il associe à la notion d’ironie, celles de paradoxe et d’absurde. Il n’y aurait plus donc qu’une seule et même catégorie, tout acte humoristique relevant du paradoxe. Pourtant, il semble bien que parler de façon ironique en disant le contraire de ce que l’on pense n’est pas nécessairement paradoxal. Et pour ajouter à la confusion, on constatera que ce que l’on appelle traditionnellement l’ironie du sort, définie dans les dictionnaires comme « un mauvais coup du sort ou du destin », ne relève pas du mécanisme de l’ironie mais bien de celui du paradoxe. Enfin, souvent, ironie et raillerie sont mis dans le même panier, à commencer par César Chesneau Dumarsais et Pierre Fontanier (1967 : p. ?) qui écrivent que « l’ironie consiste à dire par manière de raillerie, tout le contraire de ce qu’on pense ou de ce que l’on veut faire penser aux autres ». Pourtant, lorsque Zazie dit « Mon cul ! » à ce monsieur qui se croit si important, elle ne dit pas le contraire de ce qu’elle pense : elle raille mais n’ironise pas. On verra plus loin la distinction que nous proposons entre ces deux notions. Donc la tradition ne nous éclaire guère, et pour ce qui nous concerne, nous emploierons le terme « humour » pour désigner une notion générique qui ensuite peut faire l’objet de diverses catégorisations. Le mécanisme de mise en scène du discours humoristique Tout fait humoristique est un acte de discours qui s’inscrit dans une situation de communication. Mais il ne constitue pas à lui seul la totalité de la situation de communication. À preuve qu’il peut apparaître dans diverses situations dont le contrat est variable : publicitaire, politique, médiatique, conversationnel, etc. Il est plutôt une certaine manière de dire à l’intérieur de ces diverses situations, un acte d’énonciation à des fins de stratégie pour faire de son interlocuteur un complice. Comme tout acte de langage, l’acte humoristique est la résultante du jeu qui s’établit entre les partenaires de la situation de communication et les protagonistes de la situation d’énonciation (Charaudeau, Maingueneau, 2002)